vendredi 8 novembre 2013

L’empreinte de Rav Goren, premier Grand Rabbin de Tsahal puis d’Israël en même temps que Rav Ovadia Yosef, sur le peuple juif

Vous connaissez tous - du moins les plus anciens d’entre vous - la fameuse photo du Rav Shlomo Goren sonnant du Chofar devant le Mur Occidental lors de la conquête de Jérusalem en 1967, mais il y a bien plus de choses à connaître sur le premier Grand Rabbin de Tsahal. L’occasion m’a été donnée d’en apprendre  d’avantage en lisant sa biographie, rédigée par Avi Rat publiée aux Edition Yédiot Aharonot.  Pour faire simple on pourrait dire que si Ben Gourion a bâti pendant la guerre d’Indépendance l’armée unique de l’Etat juif, le Rav Goren a construit de ses mains la seule armée juive au monde.  Rien à priori ne rapprochait les deux hommes, or, entre Ben Gourion qui refusa toujours d’accrocher une mezouza à sa porte et Rav Goren, le surdoué en Talmud, s’établit dès la première rencontre une admiration et une unité de vue sans faille sur ce que devait être l’armée de de l’Etat juif.

Rav Shlomo Gorenchik, qui transforma plus tard son nom  en Goren, est né Zambrów en Pologne en 1925 et arriva en Israël à l’âge de 7 ans. Ses parents font partie du groupe de Hassidim qui décidèrent non pas de s’installer à Bnei Brak mais de fonder une unité agricole qui s’appellera Kfar Hassidim. Shlomo Goren raconte que son père et son frère aîné avalaient d’avantage de quinine que de pain en tentant d’assécher les marais porteurs de malaria. Lui-même, dans son enfance, travailla d’avantage la terre qu’il ne fréquenta l’école. Sa mère connaissant le potentiel de son gamin décida de déménager à Jérusalem où le petit Shlomo pourrait étudier sérieusement la Torah. Très vite il fut distingué comme ilouï (surdoué) , intégra à 12 ans la Yeshiva de Hebron où il devint l’unique élève à y célébrer sa Bar-Mitsva. Il fut nommé Rav à 17 ans et publia au même âge  son premier livre Nézer Hakodesh.

Il étudia également à l’université hébraïque et rejoignit les rangs de Lékhi, concurrent  du Hagana, tout en déplorant les opérations meurtrières  gratuites contre les Arabes. Au commencement de la guerre d’Indépendance il rejoignit la Hagana, partant du principe que toutes les factions  devaient s’unir  en une seule et même armée. Bien que dispensé du service actif étant Rav il participa activement à la défense de Jérusalem assiégé, où il se distingua comme tireur d’élite. Il n’accepta sa nomination de Grand rabbin de l’armée juive qu’à la condition de continuer  de se battre à son poste la nuit et d’occuper ses fonctions de Rabbin la nuit.

En 1948 alors que Jérusalem était assiégée et que ses défenseurs manquaient de tout, Rav Goren autorisa la fabrication d’armes le Shabbath, permit de distribuer la viande non casher qu’avaient abandonnée les britanniques aux malades et aux blessés, et non de la distribuer exclusivement, comme le suggéraient les rabbins orthodoxes, aux Palma’hnikim hilonim, (combattants non observants) permit d’enterrer  dans des cimetières juifs les combattants non juifs morts au combat pour la défense de Jérusalem. En parallèle il réussit à convaincre les Harédim de Jérusalem de contribuer activement à la défense de la ville assiégée en creusant une longue tranchée pour empêcher les tanks jordaniens  de pénétrer dans la la ville.

Rav Herzog,  le grand rabbin d’Israël et le ministre des cultes Rav Maïmon,  qui connaissaient la grandeur dans la Torah du jeune Goren, ainsi que son charisme auprès des religieux et des non religieux, sa détermination et son courage physique, insistèrent auprès du  Haut Commandement et de Ben Gourion pour que soit confié à Rav Goren  le poste de Grand rabbin de Tsahal, à charge pour lui de dessiner les contours de cette fonction qui n’existait évidemment pas. A ce poste le Rav, Colonel (qui sera par la suite nommé Général), parachutiste, tireur d’élite, Shlomo Goren, contribua tout autant que Ben Gourion  à dessiner les contours de de l’armée, donc de la société israélienne

Durant son mandat de Grand Rabbin de Tsahal, le Rav Goren

- se refusa à créer des unités composées exclusivement de combattants religieux comme le réclamaient les Rabbanim harédim,

- fit l’impossible pour que les  corps des soldats morts derrière les lignes ennemies soient ramenés en Israël pour y être enterrés, quitte à aller les chercher lui-même au péril de sa vie, et œuvra en parallèle pour la cause des Agounot  ( femmes dont le mari avait disparu au combat ) afin qu’elles puissent avoir le droit de se remarier

- imposa des cuisines casher dans toutes les unités de Tsahal, peu importe la composition des unités, et œuvré pour  que chaque unité comporte son lieu de prière, sans jamais en  imposer la fréquentation

- rédigea un siddour (livre de prières) unique pour tous  les soldats, qui gomme les différences entre les coutumes ashkénazes et séfarades

- initia un travail de géomètre pour déterminer l’emplacement exact des Lieux Saints  (défendus aux juifs) afin que le Mont du temple reste sous  contrôle israélien. Il se heurta à Moshé Dayan qui imposa que l’ensemble du mont du Temple passe sous le contrôle du Wakf.  Il a par contre obtenu gain de cause pour que la Maarat Hamakhpela (Tombeau des Patriarches)  à Hébron reste sous contrôle juif.

A la création de l’Etat d'Israël, les combattants dans l’armée étaient dans leur immense majorité non religieux et, sous la pression des Hilonim (non ou anti-religieux), comme des rabbins harédim, se dessinait une armée à deux vitesses, composée de quelques unités composées de soldats religieux soucieux de cacheront et du respect du shabbath, et une armée qui n’en avait rien à faire. Tsahal aurait pu être bien diffèrent si le Rav Goren n’y avait pas  apposé sa marque  et imposé le caractère juif à l’ensemble de l’armée israélienne.

En quittant l’armée le Rav Goren fu nommé successivement Grand Rabbin de Tel-Aviv, puis Grand Rabbin ashkénaze d’Israël en compagnie de Rav Ovadia Yosef qui fut nommé Rishon Létsion, soit Grand Rabbin sépharade de l’Etat. Malgré les déclarations officielles des deux grands Rabbanim, qui affirmaient à qui voulait les entendre, que leur cohabitation fut une longue lune de miel, celle-ci fut un désastre et entacha pour des années la fonction de Grand Rabbin. Bien malin qui pourrait dire qui était dans le vrai, mais, entre le Rav Goren qui se référait aux enseignements du Rav Kook et le Rav Ovadia Yosef sur lequel il n’est pas utile de disserter, mis à part le fait que leurs âmes reçurent  certainement la Torah au Mont Sinaï, il n’y avait pas grand-chose de commun.

Leur vision respective de la société israélienne continue à marquer largement leurs successeurs et le peuple juif tout entier. Je ne vous étonnerais  pas en me situant dans le camp de Rav Goren, dont j’admire l’esprit de tolérance, l’absence totale de sectarisme tant religieux qu’ethnique et sa vision  du grand Israël.

Certes, ses funérailles furent plus discrètes que celles de son collègue sépharade, mais je pense que sa marque sur la société israélienne, affranchie de toutes considérations politiques  et sectorielles, est bien plus profonde et le restera encore longtemps,  étant seulement guidée par son amour pour la Torah et pour tout  Klal Israël sans distinction. 

1 commentaire:

 Et si on profitait de cette accalmie de roquettes pour parler des Harédim. Pardon, de certaines mouvances hassidiques, pour qui, la néglige...