En 1139, rabbi Yéhouda
Hélevi, qui fut un des plus grands penseurs juifs de tous les temps, écrit son
livre Le Kuzari (que je vous conseille vivement; il existe une excellente traduction en français) « le livre pour la défense de la religion méprisée et
humiliée ». Drôle de titre pour un Livre, me direz-vous, et pourtant il
n’y en a pas de meilleur. Car au XII e siècle comme 1000 ans auparavant et 800 ans après, la religion juive, le peuple
juif et tout ce qui se rapporte de près ou de loin au Judaïsme est l’objet de
toutes les moqueries et de toutes les persécutions.
La faute à qui ? La réponse
est parfaitement claire, au Christianisme, qui tient le discours suivant :
il n’est pas concevable que le Père aimant, celui qui est aux cieux, puisse se comporter d’une façon aussi
ignoble avec son peuple élu, Israël. Un père, qui par définition ne peut
qu’aimer son fils, est tenu de le soutenir, de le protéger ou tout du moins de
faire en sorte qu’il ne soit pas la risée du monde. Une conclusion donc
s’impose: le Père n’aime plus son fils ainé et décide de reporter son affection
sur son fils cadet; lire l’Eglise apostolique et romaine, et par voie de
conséquence tous ceux qui s’en réclament.
Qu’en est-il des Hébreux et des
juifs alors ? Selon un exemple imagé qui m'a été soufflé par le Rav Eran Tamir, c’est comme une équipe de foot dont
l’entraineur de la sélection nationale change tous les joueurs. Que deviennent
les joueurs qui ont été exclus de l’équipe ? Ils disparaissent tout simplement.
Les quelques joueurs survivants exclus de la sélection, continuent çà et
là à traîner leur misère, soit en jouant
au foot dans des équipes de second ordre, soit en changeant de métier, soit en
se laissant mourir de honte. Mais the show must go on et la nouvelle sélection
nationale recrutée par l’entraineur tout puissant imprime sa loi dans toutes
les compétitions. Et il est vrai qu’il en a
été ainsi pendant près de deux mille ans. D’un côté la chrétienté
triomphante, nouvel Israël, enfant chéri et gâté de l’Entraineur en chef, et de
l’autre, la religion humiliée et méprisé, et oubliée par Notre-Père-qui-êtes-aux-cieux,
qui l’a laissée tomber parce que décidément cette équipe jouait trop mal sur le
terrain et se comportait trop mal en ville. Objectivement cette parabole s’est
vérifiée jusqu’à la fin du XIX e siècle.
A ce moment on sent quelques frémissements: des Juifs qui se faisaient appeler Amants de Sion,
Palestiniens, Sionistes, peu importe, commencèrent à apparaître sur la Terre
dite « sainte » par l’Eglise. Ils enlevèrent les ronces, plantèrent,
récoltèrent, se multiplièrent. Des copains vinrent les rejoindre. Et ne
voilà-t-il pas que cinquante ans plus tard, le peuple-religion méprisé et
humilié s’offre le luxe de se doter d'un Etat indépendant et, peu de temps après,
ayant avoir vaincu et humilié trois armées arabes, multiplie par trois son
territoire.
Une question se pose à ce
stade : qu’en est-il de la théorie prônée par Rome selon laquelle le
peuple d’Israël, le fils aîné, aurait perdu les faveurs de son Dieu qui les reporte sur l’Eglise, apostolique et
romaine ? Or il semblerait que ce ne soit plus le cas. Dieu a-t-il changé d’avis
ou bien a-t-il estimé que le moment était venu pour accomplir ses promesses envers
le seul peuple qui méritait à la fois la délivrance politique du joug des
nations et la remise à l’honneur de sa « religion méprisée ». Quid
alors de l’Eglise apostolique et romaine ? Ne doit-elle pas prendre
conscience, après la renaissance d’Israël, que son discours bi-millénaire est
tombé à plat et par conséquent accepter de le réviser de fond en comble. Considérer
par exemple que la seule voie possible pour ses ouailles consiste à oublier une
doctrine obsolète et se rapporter à la foi d’Israël qui recommande aux Nations
de se conformer aux 7 Lois noahides, seule manière de se conformer à la Loi
divine.
Ce n’est manifestement pas
la voie que préconise le Vatican, malgré tout fortement ébranlé par la
renaissance d’Israël. Comment l’Eglise compte-t-elle se sortir de ce piège ?
Eh bien tout simplement en considérant que la renaissance d’Israël est un
épisode éphémère, une anomalie, un hoquet de l’Histoire qui disparaîtra aussi
vite qu’il est venu. La meilleure preuve est que le dernier pape en chef, lors
de son voyage « en terre sainte » s’est appliqué à ne pas prononcer
une seule fois le mot « Israël », à demander (heureusement, sans l’obtenir) que le bouclier de David qui figure sur les ambulances soit
effacé au profit de la Croix.
Rien n’empêche par
ailleurs le Saint Siège à vouloir accélérer
le processus de disparition d’Israël en soutenant, symboliquement, bien sûr, les ennemis d’Israël en se recueillant longuement
devant le « mur de la honte » couvert de graffitis appelant à la
disparition d’Israël.
Rien n’empêche le Pape à organiser une prière
multiconfessionnelle: Chrétiens, Juifs, Musulmans dans les murs du Vatican ;
j’allais écrire dans les « caves » du Vatican, là, où, selon la chrétienté,
tout se passe. Or, si nous suivons le raisonnement développé plus haut, plus
rien ne se passe au Vatican, disqualifié par l’Entraineur en chef, depuis la
renaissance d’Israël. La nouvelle équipe de foot qui donne le ton dans le grand
jeu de l’Histoire et de la Foi n’est plus le Christianisme mais le Judaïsme ;
il ne peut y avoir deux Sélections !
L’enthousiasme de Shimon
Peres de participer à cette mascarade vaticanesque ne m’a pas trop plu. Le
Président de l’Etat d’Israël n’a rien à faire au Vatican, ni dans ses murs, ni
dans ses caves, ni dans ses jardins; d’autant plus que l’alliance objective
entre l’Islam et le Catholicisme de voir Israël rayé des cartes du temps et de
l’espace, place Israël en minorité face à ses deux pourfendeurs. Le simple fait
de demander à Abbas et Peres de prier ensemble avec le Pape au Vatican vise à
insister sur la centralité théologique de Rome et de la Chrétienté, ce qui
devrait être inacceptable. Je me demande d'ailleurs comment aurait réagi Rubi Rivlin, le
successeur de Peres à la présidence de l’Etat, face à cette invitation.
Il s’agit donc bien d’une
alliance objective entre le Catholicisme et l’Islam, tant chiite que sunnite,
pour voir disparaître au plus tôt cette anomalie de l’Histoire qu’est l’Etat d’Israël.
Je dis bien catholique, car les Protestants ont un programme différent pour ce
qui est des Juifs installés sur la terre de leurs ancêtres. Ils souhaitent, à
la différence des Catholiques, favoriser l’Etat d’Israël et le retour des juifs
de la diaspora, afin qu’à la fin de l’Histoire, leur messie bien aimé fasse son
come-back et alors, tous les Juifs décideront de le reconnaître.
J’attire donc en passant l’attention
des Juifs sur la circonspection qu’il y a lieu de faire preuve vis-à-vis des
mouvements protestants et évangélistes de toute nature, et ils sont légion en Israël.
Ne pas accepter ni leur argent, ni leurs écrits, ni leurs beaux discours. Cela
comprend aussi tous les penseurs et
écrivains chrétiens-amis-d’Israël qui sévissent sur la toile ou lors de conférences
tant en Israël que dans la Diaspora. Leur
attachement à Israël n’est pas trop cacher, même si sur un plan circonstanciel
il est utile de s’allier avec eux.
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